L’islamo-gauchisme, un barbarisme  »a-conceptuel » français !

Il est des notions qui hérissent dès qu’on les entend, à plus forte raison lorsqu’on les lit à l’aune de ce que l’on a pu accumuler comme apprentissage conceptuel et terminologique.

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Tel est le cas de cet ‘’islamo-gauchisme’’ vomit par le gouvernement Macron aux derniers mois de son mandat, les ministres en exercice n’en finissant pas de lorgner du côté des lepénistes et autres droites dans l’espoir de faire du racolage électoral bon marché, comme dans une sorte de course contre la montre. Il est heureux de constater, a fortiori, que ces  »éclaireurs » de la pensée aient subi un cuisant camouflet lors des élections régionales et départementales du 20 juin dernier (au 1er tour), les macroniens et les lépenistes ayant essuyé une belle gifle de la part des 32% de votants (68% des électeurs français s’étant abstenus) !

Cette ‘’hérésie’’ notionnelle (et c’en est vraiment une) tente d’associer deux concepts antinomiques s’excluant immodérément l’un l’autre : gauchisme et islamisme. Il faut être un véritable ignorant ou un simple taré pour commettre une telle confusion des sens. Et bien que je ne partage pas les aprioris de M. Mélenchon, je lui donne raison de se rebiffer contre une telle cavalcade irrationnelle et simpliste, voire complètement ringarde.

D’ailleurs, on peut apprécier avec un grand sourire le ridicule de cet amalgame à la lecture de ce qu’en a écrit le nouvelobs daté du vendredi 19 février 2021 : «C’est pratique ce mot (islamo-gauchisme). C’est un peu comme ‘’schtroumpf’’, on peut l’utiliser pour lui donner le sens que l’on veut. (Il faut le dire sans ambages) l’islamo-gauchisme est un mythe. Pas un concept, pas un courant. Il n’y a pas de penseurs islamo-gauchistes, pas d’études islamo-gauchistes, pas de revues islamo-gauchistes. Affublé d’un suffixe en -isme qui suffirait à indiquer une systématicité, le mot-valise combine des concepts si larges qu’ils en restent flous : l’islam, mais quel Islam ? La religion ? L’islamisme ? Le djihadisme ? La gauche, mais quelle gauche ? Le socialisme, l’anarchisme, le bolchévisme ? Derrière ce mot, il y a simplement une rhétorique vaseuse popularisée et recyclée par la droite dure, qui reprend les mécanismes induits par l’amalgame judéo-bolchévisme».

Doit-on ajouter à tout cela une appréciation  supplémentaire ? Je suis tenté de dire oui, parce qu’il manque ce petit quelque chose qui en illustre toute la fantaisie, la grande et bête légèreté également : Le gauchisme est l’ennemi juré et mortel de l’islamisme et vice-versa. Ils ne peuvent être associés et mis dans une seule sémanticité (au-delà de toute sémantique), car s’autoexcluant intrinsèquement au relatif comme dans l’absolu.

Cette ‘’hérésie’’ (répétition volontaire) est non seulement le fait d’affabulateurs, il s’agit d’un barbarisme composé ‘’inventé’’ par les déconstruits de Matignon, comme le dit si bien le chercheur en sciences politiques Samuel Hayat : «le terme (islamo-gauchisme) est un épouvantail créé pour unir ceux et celles qui veulent stigmatiser les musulmans, s’opposer à la gauche et délégitimer les sciences sociales». Il s’agit pour le moins d’une turpitude décousue, «un mot pour bastonner» (tous les différenciés) selon la formule de Philipe Marlière[1].

Et, dans cet usage abusif, on peut pousser la caricature à son extrême et dire que ceux qui usent de ce non-vocable sont des ‘’fasco-libéraux’’. Pourquoi pas en fin de compte, et encore qu’ici, cela tombe sous le sens !

Notes : 

[1] Professeur de sciences politiques à l’University College de France.

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